Nous mettons à la disposition de nos lecteurs le texte aimablement envoyé par Jamel El Hamri après la conférence qu’il a donnée à Belfort le jeudi 15 novembre 2018. Ce texte correspond à une allocution donnée, à l’occasion des Etats généraux de la bioéthique organisés par le Comité Consultatif National d’Ethique, par Jamel EL HAMRI (Président-fondateur de l’Académie Française de la Pensée Islamique – Chercheur en histoire de l’islam contemporain à l’Université de Strasbourg) et Tahar MAHDI (Membre fondateur de l’Académie Française de la Pensée Islamique – Universitaire et chercheur spécialiste en droit musulman, jurisconsulte auprès du Conseil Européen de la Fatwa).
L’Académie Française de la Pensée Islamique (39 rue Emile Cordon 93400 Saint Ouen – www.afpi-paris.com – contact@afpi.co/ jamelafpi@gmail.com) est une association loi de 1901.
Introduction
« Quel monde voulons-nous pour demain?» Telle est intitulée la question posée par le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) ouvrant durant plusieurs mois les Etats généraux de la bioéthique. Une vaste consultation est lancée depuis plusieurs semaines envers toutes les familles intellectuelles, philosophiques et religieuses pour recueillir des opinions diverses et variées sur neufs sujets liés à la bioéthique. Les intellectuels musulmans de France ne pouvaient passer à côté d’un tel sujet engageant l’avenir de notre société française. Ce débat n’est pas nouveau dans la pensée islamique, en effet, la question de la filiation, de la sexualité ou encore de l’adoption l’ont jalonné de la Révélation reçue par le Prophète de l’islam Muhammad à aujourd’hui au sein de la société française. Que dit l’islam sur la bioéthique ? Comment se positionnent les intellectuels musulmans ? Que préconisent-ils sur ces questions de bioéthique à la société française ? Nous verrons dans un premier temps la question de la filiation et de la sexualité en islam, puis dans un deuxième temps les questions que soulève la bioéthique dans la pensée islamique contemporaine. Enfin, dans un troisième temps, nous énumérerons les positions et les suggestions des intellectuels musulmans de France.
La filiation et la sexualité en islam
Quand on parle d’islam, de quoi parlons-nous ? Parlons-nous de la religion qui offre un cadre légal, des restrictions mais aussi un espace pour une potentielle sexualité épanouie et en vue de fonder une famille au clair sur le plan de la filiation ? Parlons-nous de culture qui peut orienter les individus, les complexer ou les faire aller à l’encontre de la religion comme la pratique de l’excision ? Parlons-nous de la civilisation qui, dans ses moments de gloire et de raffinement, pouvait donner la perception, en France durant le Moyen-âge, d’un islam encourageant une sexualité libertine ? L’islam est malheureusement un mot valise dans lequel on met, selon ses caprices, un peu tout ce que l’on désire ou ce que l’on déteste. Notre propos, dans cette première partie, va se concentrer sur l’islam en tant que religion notamment les positions du sunnisme en tant qu’école de pensée majoritaire au sein de l’islam.
Dès le début de l’islam, il y a plusieurs débats autour de la notion de filiation, entre deux systèmes de valeurs en concurrence : celui de la société arabe pré-islamique et celui de la société arabe islamique naissante. Le mot filiation est traduit en arabe par le mot nasab, ce dernier possède environ dix-neuf sens dans la langue arabe sur le plan étymologique. Dans le Coran, nous retrouvons trois occurrences du mot et la tradition prophétique de Muhammad rapporte plusieurs séquences de vie avec son fils adoptif Zyad et son mariage avec sa cousine Zaynab durant lesquelles la notion de nasab est sollicitée. De plus, la révélation coranique est descendue dans un contexte culturel arabe au sein duquel la notion de filiation est très importante, voir vitale dans l’économie de vie tribale.
Fort de ses références religieuses et culturelles, les savants musulmans n’ont pas eu de grandes difficultés pour statuer sur le respect de la filiation ou sur la sexualité dans les nouvelles sociétés de son Empire naissant. Néanmoins, le droit musulman sunnite est composé de plusieurs écoles qui peuvent avoir des divergences, en l’absence de textes scripturaires, sur certaines questions. Ces écoles ont eu l’habitude de hiérarchiser les normes de la manière suivante : le Coran, la Tradition prophétique, l’ijtihâd (effort intense d’interprétation des sources scripturaires de l’islam) avec plusieurs exercices intellectuels comme le consensus des savants (al-ijmâ’), le raisonnement analogique (al-qiyâs) ou encore l’intérêt général indéterminé (al-maslaha al-moursala). En plus des fondements du droit, un avis juridique se doit de respecter les finalités de l’islam qui sont au nombre de cinq : la religion (al-dîn), la vie (al-nâfs), la filiation (al-nasâb), la raison (al-‘aql) et la préservation des biens (al-mâl). Contrairement à une idée reçue en France, le droit musulman sunnite est finalement moins dogmatique que pragmatique. L’histoire du droit musulman en est la preuve puisque ce dernier est le résultat d’une triple tension entre la Loi islamique (al-shâri’a), le droit coutumier et le degré de civilisation. La filiation se définit en islam par le fait de porter le nom de son père et de pouvoir hériter de lui, ces deux dispositions sont liées juridiquement dans le droit musulman. En islam, c’est davantage le sperme que le sang qui transmet la filiation. La filiation sociale est basée sur la filiation biologique, c’est ainsi que l’islam interdit la parenté adoptive. Il permet en revanche une forme d’adoption mais qui est clairement en opposition à la filiation. La sexualité autorisée en islam se vit entre un homme et une femme dans un cadre légal qu’est le mariage afin de respecter, entre autres, la filiation. C’est la raison pour laquelle, l’islam interdit l’inceste, l’homosexualité, l’adultère, la fornication et la pédophilie. Il a autorisé une polygamie qu’il a lui-même limitée. En ce début de vingt-et-unième siècle, elle est encore pratiquée mais elle reste très minoritaire. L’islam fait la promotion de la chasteté, de la famille traditionnelle de type patriarcal. Il faut également ajouter que le discours en contexte islamique sur la sexualité a été dominé par les hommes. Ainsi, une fois le cadre légal posé et respecté, l’islam est permissif et incitatif d’une sexualité épanouie, riche et érotique qui honore le plaisir, la sensualité et l’hédonisme. Par exemple, le savant musulman européen Ibn Hazm a été au XI ème siècle le théoricien de l’amour courtois qui a tant influencé le fin’ amor des Troubadours d’Occitanie et notre vision de la femme en France. La sexualité est une composante de la nature humaine, l’islam rappelle dans de nombreux passages sa vocation à l’amour et à la communion. La sexualité est un dépôt confié à la responsabilité de l’homme et de la femme, elle honore la dimension complémentaire des sexes et la dimension unitive et procréatrice de l’acte conjugal.
Questions actuelles soulevées par la bioéthique
Ces trente dernières années, on a pu observer dans de nombreux pays musulmans plusieurs réformes du statut personnel. Les débats, qu’elles ont suscités, ont même eu des répercussions en France où différentes immigrations musulmanes ont fait souche. Le droit français a ainsi été confronté à de nouvelles questions comme l’adoption (la kafala), la répudiation voire la polygamie. Simultanément, les questions autour de la bioéthique ont émergé dans la société française. Elles sont la conséquence du développement de la science, de l’avortement, de la contraception, de la PMA ou encore des greffes d’organes etc. Les intellectuels et jurisconsultes ont émis des réflexions pour les premiers et des avis juridiques pour les seconds sur ces questions de bioéthique. Ils sont revenus au droit musulman classique pour tenter de répondre à des questions inédites[1]. Ces dernières ont poussé les intellectuels et juristes musulmans à travailler avec les spécialistes de la médecine et les scientifiques dans une perspective de conjuguer sciences des textes de l’islam et sciences dures et humaines. Les intellectuels et juristes musulmans appliquent généralement le raisonnement analogique au sein de conseils théologiques afin de déterminer collectivement en quoi ces nouvelles techniques scientifiques sont licites et comment limiter leurs effets nocifs. Nous allons maintenant voir les positions par rapport à la bioéthique.
Positions des intellectuels musulmans sur les sujets de bioéthique
Procréation (PMA, GPA…)
La procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation médicalement assistée (GMA) sont autorisées dans des cas précis et sous certaines conditions. Premièrement, elles sont autorisées uniquement entre les époux légaux, le mari et sa femme qui n’arrivent pas à procréer voire aux impuissants physiquement. Le but est d’éviter de faire des enfants dans un but individualiste et égoïste, c’est-à-dire faire des enfants de simples objets pour assouvir une envie de paternité ou maternité, ce qui est contraire à l’éthique musulmane. Cette fécondation se fait uniquement du vivant des deux époux à partir du liquide séminal de l’époux et des ovocytes de son épouse, sans aucun mélange avec des tierces personnes. De plus, le médecin doit être quelqu’un de confiance, probe scientifiquement, respectant la déontologie médicale et les règles de l’éthique concernant la manipulation de la femme lors de l’expérience. Enfin, il faut être sûr qu’il n’y ait pas de risque de mort pour l’un des deux époux ou de malformation dans le foetus. Il ne faut prélever des époux que la quantité adéquate sans aller au-delà afin d’éviter une utilisation abusive ou lucrative. S’il y a un reliquat de spermatozoïdes et d’ovocytes, il faut les détruire pour ne pas en faire un usage illégal. En aucun cas l’islam n’autorise la préservation du reliquat (sperme et ovocytes) après l’opération de fécondation. C’est l’opinion de la majorité écrasante des intellectuels musulmans et des grands conseils de fatwa. Les intellectuels musulmans mettent en garde contre la commercialisation de ventres appartenant aux femmes. Les tarifs actuels pratiqués pour « louer » le ventre d’une femme afin de ne pas à avoir à souffrir d’une grossesse font craindre le pire. La tentation sera grande pour les femmes en situation de pauvreté et cette pratique pourrait les empêcher de s’émanciper et conforter également les clivages économiques et sociaux entre les pays du Nord et les pays du Sud.
Fin de vie
Les intellectuels musulmans ont autorisé uniquement l’euthanasie passive. Cette euthanasie consiste à ne pas maintenir le malade dans une vie artificielle à l’aide de machines quand son pronostic vital est désespérant. Lorsque la douleur atteint son paroxysme, que la souffrance est insupportable, surtout en l’absence de médicaments antalgiques pour calmer la douleur, les intellectuels musulmans pensent qu’il faut agir pour abréger les souffrances de cette personne. Quant à l’euthanasie active dans laquelle le médecin ou une tierce personne agit sur le malade pour écourter sa vie, elle est absolument interdite. Tout simplement parce que celle-ci est considérée comme un meurtre[2]. Nous alertons la société civile sur les risques d’une politique eugéniste. Le système économique libéral actuel déconsidère déjà les retraités, ces derniers pourraient un jour être jugés comme trop chers à « entretenir » ouvrant la voie à une forme d’euthanasie active et à grande échelle. Sans tomber dans un complotisme stérile et en tirant les leçons de l’histoire de l’Europe contemporaine, nous devons faire attention à notre manière de légiférer.
Reproduction, développement embryonnaire, cellules souches
L’idée de construire des banques contenant des cellules souches pour des objectifs purement thérapeutiques est approuvée par les intellectuels musulmans et les conseils théologiques européens. Cela peut aller de la reconstitution du système immunitaire à la lutte contre la leucémie et d’autres formes de cancers en passant par la réparation des problèmes neurologiques ou de la maladie d’Alzheimer. La culture et la reproduction de ces cellules sont tout à fait légales en islam. Pour ce qui est de l’influence filiale, ces cellules n’ont pas le statut de lait qui constitue, par désignation nominative[3], une prohibition filiale empêchant le mariage entre deux personnes si le nombre de tétés par la même femme dépasse deux effectuées durant les deux première années[4]. Le Conseil Européen de la recherche et de la fatwa a interdit[5] de manière absolue le clonage total à partir des cellules souches ou par d’autres moyens. Il a également interdit totalement la reproduction et la gestation humaine entre trois personnes (sauf entre le couple légal époux-épouse). En islam, il faut absolument respecter les normes éthiques pour éviter le mélange des filiations.
Génétique et génomique
La modification du génome humain pour des raisons thérapeutiques est autorisée en islam par l’ensemble des savants musulmans uniquement pour soigner ou éviter le développement et l’évolution d’une maladie. Cela est considéré par les intellectuels musulmans comme de la médecine préventive, pleinement autorisée en islam. Toutefois changer le sexe d’un enfant pour choisir le genre pose problème puisque les intellectuels musulmans se sont disputés sur ce sujet. Certains l’ont accepté, mais la majorité reste opposée du fait des risques qui ne peuvent être ignorés à long terme, surtout dans le façonnage de la nature humaine c’est-à-dire la création de Dieu. Cela est absolument interdit en islam en vertu du texte coranique[6].
Dons et transplantations d’organes
Les intellectuels musulmans ont tous autorisé le don d’organe totalement ou partiellement à l’instar du don de sang. Ainsi, tout organe pouvant sauver la vie humaine peut être prélevé sur des personnes mortes. Il faut néanmoins l’autorisation préalable de la personne ou des ayant droits après le décès et la mention dans le testament du défunt. Les dons de la moelle et des tissus ainsi que des cellules souches embryonnaires sont autorisés que ce soit pour la reproduction des organes ou la transplantation directe. Par conséquent, les banques cellulaires et organiques sont également autorisées. Pour le don entre vivants, il est précisé que le donateur ne doit pas se porter préjudice, c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit de donner les organes uniques comme le coeur. Cela provoque sa mort, et en islam, on ne peut tuer une personne pour faire vivre une autre même lorsque le donateur l’accepte volontiers pour un être cher. En revanche il peut offrir un oeil, un rein puisque cela ne l’empêche pas de vivre. Il existe quand même une interdiction draconienne stipulant qu’il est absolument interdit de faire don de tout organe producteur comme les testicules, et les ovaires qui fabriquent les codes génétiques. En revanche tout organe qui n’est pas producteur du génome et des caractéristiques distinctives peut faire l’objet d’un don comme l’utérus. Exception faite des organes génitaux comme le pénis, le vagin et les seins de la femme dont les dons sont interdits pour des raisons de pudeur et d’éthique[7].
Données de santé
En islam la divulgation des éléments personnels d’un individu est absolument interdite puisque les textes la prohibent d’une manière explicite[8]. C’est pourquoi les savants musulmans sont unanimes sur le fait d’interdire la divulgation des secrets personnels, leur commercialisation ou leur échange. Ainsi les savants musulmans exigent qu’il y ait une réglementation stricte pour protéger les individus. Ces restrictions peuvent être levées si la personne autorise volontairement la diffusion ou d’autres usages.
Intelligence artificielle et robotisation
Sur l’intelligence artificielle et la robotisation, les intellectuels musulmans espèrent une réglementation claire afin que les robots ne puissent jamais se substituer à l’homme dans le domaine purement émotionnel et humain. L’homme reste irremplaçable à ce niveau surtout lorsqu’il s’agit d’accompagnement, d’empathie et de sentiments. Il est sans doute opportun de robotiser les taches difficiles à réaliser par l’homme, lorsqu’il s’agit de haute précision, de rapidité, de difficultés et de danger au travail. Encore faut-il penser à y associer l’homme dans la réflexion sur l’évolution du travail qui laissera de plus en plus de place aux machines. Ces dernières doivent demeurer au service de l’homme et non le contraire. Dans certains secteurs d’activités, où la dimension humaine est indispensable (les maisons de retraites, les hôpitaux, les écoles, les cliniques, les prisons etc.), il est préférable de ne pas substituer le robot à l’homme car les citoyens auront toujours besoin d’un coeur plein d’émotions, d’amour, de respect et de fraternité en face d’eux. En revanche, l’usage peut être toléré pour des buts thérapeutiques, des opérations chirurgicales de haute technicité, dans les domaines de sécurité et de sûreté militaire. Les intellectuels musulmans en France espèrent que la réglementation limitera l’usage de la technologie robotique et prendra en compte les craintes des citoyens français.
Neurosciences, santé et environnement
Cette science a soulevé des divergences entre les intellectuels musulmans. Ceux qui ne la connaissent pas n’ont malheureusement même pas pris la peine d’assister à une formation ou de feuilleter un livre. Ils l’ont ainsi interdit prétendant qu’elle relève d’une forme de théosophie qui englobe des croyances multiples. Ils ont même accusé les partisans des neurosciences « d’associateurs » sur le plan religieux car elle favoriserait la vénération de l’intellect intérieur aux côtés de Dieu. D’autres l’ont approuvée sans limite car c’est une nouvelle science qui a montré son intérêt immédiat dans plusieurs pays occidentaux et même dans certains pays musulmans. Entre ces deux positions, beaucoup d’intellectuels musulmans adoptent un juste milieu et opèrent au sein de cette nouvelle discipline un tri entre ce qui est profitable à l’homme et ce qui lui est préjudiciable. En effet l’islam n’interdit pas d’explorer l’être humain afin d’en extraire des ressources intellectuelles et spirituelles. Surtout, si cette entreprise scientifique permet de faire avancer positivement l’humanité et de sortir du fatalisme. Toutefois il faut éviter de vénérer certaines capacités de l’être humain et les remettre à leur place, c’est-à-dire des moyens et non des fins, au service de l’humain sans exagération ou négligence aucune. Les intellectuels musulmans alertent sur un élément, à savoir les points de convergences entre cette discipline et certaines sciences occultes préjudiciables à la santé mentale et éthique de l’homme. Ils alertent également sur les liens entre les crises de santé et les crises environnementales, en particulier le cas des perturbateurs endocriniens. La science en islam est un moyen et un savoir neutre, ce sont les conséquences qui rendent la science utile ou nuisible. Tant que ces dernières sont positives, il faut l’encourager mais un encouragement ne doit pas empêcher d’accompagner cette science de précautions éthiques et son usage de règles contre toute mauvaise exploitation.
Conclusion
Nous voulons rappeler que l’homme est à la fois un être biologique mais aussi un être spirituel, l’islam en tant que message spirituel rappelle l’honneur et la dignité de l’homme. L’islam favorise le développement de la science tout en apportant un cadre éthique afin d’éviter la rupture entre science et conscience. Les intellectuels musulmans veulent encourager les recherches scientifiques dans la limite du sacré[9]. La bioéthique doit incarner une éthique de la responsabilité, de la connaissance et de la précaution[10].
Les intellectuels musulmans pensent que l’humain n’est pas un objet à vendre ou à commercialiser. Il serait opportun de démystifier et déconstruire la notion de progrès, de considérer son aspect qualitatif, d’anticiper toutes les conséquences, de responsabiliser les auteurs et de mettre en place des mécanismes de contrôle. La Pensée islamique de France veut accompagner sereinement le mouvement de l’histoire avec d’autres pensées, être dans une approche à la fois critique, constructive et prospective pour proposer une alternative au monde actuel. Les risques d’arrêter de penser ou de penser de la même manière pointent leur bout du nez. Historiquement, ils ont abouti au dogmatisme et au totalitarisme. La plus belle des immunités pour éviter ces conséquences tragiques est de créer de nouveaux équilibres :
1) équilibre entre les pensées religieuses, philosophiques et scientifiques
2) équilibre entre le fait de développer de nouvelles possibilités scientifiques et la volonté d’être fidèle à une tradition humaine (religieuse, spirituelle ou philosophique).
3) équilibre entre la transformation extérieure de l’homme et sa transformation intérieure. Elle n’est pas qu’individuelle et marchande, elle aussi collective, avec les autres et gratuite.
Tentons collectivement de sortir de la tentation d’imposer nos paradigmes, questionnons-les au moment où la civilisation humaine est à l’oeuvre. La civilisation humaine se nourrira de l’apport de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les hommes, de toutes les croyances. C’est le choix du développement durable de l’homme, de l’équilibre entre la sacralité et la dimension profane de l’homme, de la tension salvatrice entre foi et raison, du développement social et moral de la civilisation humaine que nous devons faire.
Propositions
Ainsi, nous faisons sept propositions pour le monde meilleur que nous voulons demain :
1. Protéger l’homme de l’exploitation de son corps, du non-respect de sa dignité, de la jouissance de son consentement, de son intimité et de sa santé.
2. Protéger les femmes notamment de la tentation de commercialiser leurs corps et les enfants d’avoir à subir des choix qui ne sont pas les leurs, de ne pas profiter d’un père et d’une mère dans le cadre sécurisant du mariage.
3. Préserver la société française de toute forme d’eugénisme que subirait les plus âgés ou les plus faibles en France et dans le monde.
4. Préserver l’homme de sa propre exploitation et de sa réification par un « marché » que nos élites considèrent comme divin
5. Accompagner l’homme dans la transformation du travail afin de lui donner un rôle nouveau, positif et épanouissant
6. Définir de nouvelles relations entre l’homme et le robot sur le plan de la responsabilité humaine et juridique
7. Faire du savoir un bien à partager au sein de l’humanité et un cheminement éthique pour l’acquérir. Cette vision du savoir semble malheureusement être menacée par l’intelligence artificielle.
[1] Corinne Fortier, article » Le droit musulman en pratique : genre, filiation et bioéthique » – https://journals.openedition.org/droitcultures/1923
[2] Conseil européen de fatwa session 11 Stockholm, déclaration 42 – 11/3/2003
[3] Coran chapitre 2 verset 233
[4] Le prophète a dit « il n’interdit le mariage qu’une tétée rassasiante avant le sevrage. » (Ibn ‘Ady selon Oum Salama)
[5] Ecfr : Dublin 22-26/2003 déclaration publique 37 (10/1)
[6] chapitre 4, verset 119. Et Coran chapitre 30, verset 30
[7] cf conseil juridique islamique de Djedda déclaration 1 session 4
[8] Coran chapitre 4 verset 148. Et chapitre 49, verset 12
[9] Azzedine GACI, article « Que dit l’islam sur la PMA, la GPA et la congélation d’ovocytes » site web saphirnews, 29 juin 2017 – https://www.saphirnews.com/Que-dit-l-islam-sur-la-PMA-la-GPA-le-don-de-spermes-et-la-congelation-des-ovocytes_a24141.html
[10] Dalil BOUBEKEUR article « L’islam et la bioéthique » suite à une conférence à l’IEP Paris le 7 novembre 2007 et publié sur – http://www.mosqueedeparis.net/wp-content/uploads/2014/07/LA-BIOTHIQUE-LISLAM-2.pdf